Éditorial
Le comité de rédaction de la Revue des oralités du monde (Rom) adresse ses plus chaleureuses félicitations aux Cahiers de littérature orale (Clo) fondée par Geneviève Calame-Griaule et qui fêtera son cinquantième anniversaire et son n° 100 en 20251. Les Clo ont inspiré plusieurs générations de chercheurs en littérature orale.
La Rom se situe en complémentarité aux Clo. Conçue en articulation étroite avec la formation universitaire et la recherche autour du master Oralité créé par Ursula Baumgardt et Frosa Bouchereau en 2014 à l’Inalco, la Rom s’inscrit dans la perspective disciplinaire de l’oralité qui inclut la littérature orale.
Notre approche est avant tout transversale. Nous nous intéressons à l’oralité dans tous les contextes socioculturels et historiques, aussi bien les sociétés ayant choisi l’oralité comme principal mode de communication que celles où l’oralité et la scripturalité coexistent et celles d’où l’oralité semble avoir disparu.
La Rom prend en considération toutes les langues, quels que soient leurs statuts sociolinguistiques.
Elle s’inscrit dans le dialogue entre les disciplines et les cultures, entre le monde de la recherche et l’application de l’oralité dans différents champs professionnels2. Elle cherche à offrir un espace de publication à la fois pour les chercheurs confirmés, pour les jeunes docteurs et pour les doctorants. L’alternance entre les numéros thématiques et varia3 contribue à cet objectif. La discipline académique « oralité », que nous déclinons ici, en « oralités du monde », est en voie de reconnaissance institutionnelle. Elle demande encore un réel effort de développement et de consolidation, processus auquel la Rom cherche à participer. L’équipe de l’Inalco, Pluralité des langues et des identités, didactique, acquisition et médiation (Plidam) apporte son soutien à cet effort.
Ce numéro 3-4 de varia, composé de sept articles, s’inscrit dans ces choix. Les deux premiers proposent des éclairages historiques et méthodologiques à portée transversale. Quatre études de cas portent sur plusieurs facettes de l’oralité : la littérature orale, les pratiques langagières, le fonctionnement et les fonctions de la parole lors de performances dans des cadres formalisés. Enfin, une approche disciplinaire innovante de la néo-oralité est mobilisée lors d’une écoute ethnopoétique d’une émission radiophonique.
Ramazan Pertev, « Histoire de la recherche en oralité kurde », apporte des informations sur une situation complexe analysée de manière détaillée. Sa contribution souligne l’importance de la démarche historique pour des oralités et rappelle l’une des priorités à laquelle devra répondre la discipline, celle d’établir son histoire.
Ursula Baumgardt et Fatima El Aïhar définissent dans leur article « Méthodologie de la recherche documentaire en littérature orale », à travers plusieurs exemples et de manière non exhaustive, les difficultés de la recherche documentaire, parmi lesquelles la grande dispersion des données. Elles proposent une méthode de documentation sous forme de panorama organisé par langue.
L’un des traits définitoires de la littérature orale, la variabilité, est étudié dans ses dimensions intra- et interculturelles, dans le conte marocain « Aïcha des Cendres », par Abdellah Abdenbaoui.
Cédric Ondo Obame s’intéresse dans « L’injure onomatopéique » à une forme d’expression de l’insulte. Il se réfère à son observation des pratiques langagières dans plusieurs populations du Gabon. Pour l’auteur, il s’agit d’une forme de violence langagière.
Le kabary malgache est abordé par Louise Ouvrard dans son article sur « La parole qui unit » en prenant en compte la performance, la forme et les fonctions sociales de cette catégorie de grands discours.
Hanitra Andriamampianina, « Parole performative et régulatrice, le zaka », analyse une autre pratique sociale de Madagascar fondée sur l’oralité, la gestion des litiges par les tribunaux traditionnels.
Cyril Vettorato, « Néo-oralité et ethnopoétique (États-Unis) » illustre l’un des fondements de l’ethnopoétique, à savoir l’attention accordée à la voix, à la musique et à leurs interactions. Il analyse les mots à trois niveaux : comme des unités lexicales au sein d’un discours, comme des stimuli sensoriels au sein d’une expérience qui se veut totale, et comme des repères dans le propos mi-philosophique et mi-science-fictionnel du musicien.
Ursula Baumgardt, directrice de publication
Notes:
1 Voir l’appel à communication in Fabula : https://www.fabula.org/actualites/121678/ colloque-du-cinquantenaire-des-cahiers-de-litterature-orale-carcassone.html
2 Les Journées du patrimoine culturel immatériel (JPCI) organisées le 4 et le 5 octobre 2023 à l’Inalco ont réuni, par exemple, des conteurs et des chercheurs travaillant sur le conte.
3 Rappelons que les articles pour les numéros non-thématiques sont reçus au fil de l’eau par les directeurs de publication (voir « Ligne éditoriale »).